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Encore Heureux

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Message par Ricky Banlieue Jeu Mar 06 2008, 10:04

1/ Pour commencer, pourrais-tu présenter le groupe, ses débuts ?

2006, j’arrive sur lyon avec petou (percu) et on a rencontrés deux vrais musiciens, laurent et olivier, qui venait d’horizons musicaux divers, depuis une vingtaine de concerts, et la fusion commence a bien opérer

2/ Votre 1er album est prévu pour 2008, peux-tu nous en dire plus ?

jo : 5 jours de prise de sons et 5 autres de mix pour 8 titres, donc serré !
Mais on va essayer de faire une galette « pro » en gardant l’energie et la spontaneité.
En tout cas on sera fier, comme tout groupe autoproduit !
Il sortira dans un premier temps sur les plateformes digitales (fnac.com,…) et on le vendra en concert (digipack, livret 12 pages)


3/ Peux-tu développer un peu les sujets abordés par vos textes ?

jo : La difficulté d’assumer certains cotés du monde occidentale (manque d’humanité, histoire « sélective » comme par exemple dans la chanson « lomama » qui aborde le sujet des zoos humains pendant l’expo universelle qui n’apparaît pas dans nos livres d’écoles..), les gens, l’amour, la folie..


Laurent : C’est pas moi qui les écrit. Par contre je les aborde souvent par leur résonance et pas toujours par leur sens comme on a trop tendance à le faire en chanson française au détriment de leur musicalité. Johan me dit qu’il pourrait raconter n’importe quoi sans que je m’en rende compte. Mais je pense que la musique des mots a suffisamment d’importance pour se suffire à elle même.


4/Quelles sont vos influences musicales, cinématographiques et littéraires … ?

jo : Cela va du hip-hop au jazz, mais je suis plus accés sur les mots et la façon de les dire(Abd al malik, la rue ketanou, les wriggles, graoundation), les films français quand ils sont bons (ce qui devient rare !),

Laurent : Ce que j’ai retenu dans mon enseignement artistique c’est : « ne juge pas, contente toi d’essayer de comprendre ». Comme beaucoup d’ados, j’écoutais du rock des années 70. Puis j’ai voulu être musicien, à l’époque il n’y avait que des écoles de jazz et j’ai appris à aimer cette musique, ou plutôt ces musiques tant la palette est grande. Puis j’ai animé des bals musette, parce qu’il faut bien manger et j’ai découvert là une part des racines de notre culture française. A Paris j’ai joué avec des Bretons qui faisaient du rock celtique, du coup j’ai eu envie de connaître le répertoire de mon pays et me suis intéressé à la musique traditionnelle provençale. J’ai aussi collaboré avec Jean-Pierre Moreau qui fait de la musique contemporaine, si tant est que ce terme signifie quelle chose et j’ai pas mal fait de musique improvisée à l’AJMI d’Avignon. Indépendamment du groupe, je joue du jazz expérimental avec Olivier, le saxophoniste. Lorsque j’arrive sur un projet, je ne me pose pas la question du style, j’écoute et je me contente de lui apporter ce qu’elle fait résonner en moi. Ce n’est qu’avec beaucoup de recul que j’émets un jugement personnel parce qu’on ne peut pas pédaler et se regarder pédaler en même temps.
Je suis très content que vous ne vous contentez pas de demander à un musicien ses influences musicales mais aussi d’élargir ses connaissances à la culture générale, parce qu’il me semble qu’un artiste doit être curieux de la vie. En fait, j’appréhende la connaissance comme la musique, je touche un peu à tout, même si évidemment certaines œuvres me touchent plus particulièrement, Lynch pour le cinéma, Magritte, Dali, Brueggel pour la peinture, je lis aussi certains traités de théologie, je viens d’en finir un sur le bouddhisme Zen, mais franchement plus j’en lis et plus je suis agnostique.


5/Peux-tu nous faire un topo sur la scène de ta région ?

jo : Du très bon (maux2passe, becsbienzen, buridane, siméo…), et des cafés concerts super chaleureux qui meurt à petit feu, tout comme la culture.
Heureusement que carla est à l’élysée !


Laurent ; Avec Encore Heureux on a pas mal tourné dans Lyon Intra Muros. Il y a beaucoup de petites scènes où se produire, ce qui nous a permis de partir à la rencontre du public et de se tester sur scène, mais franchement il ne faut pas être regardant ni sur le cachet ni sur les conditions de travail. On commence à faire des scènes plus importantes. Mais c’est un milieu où il y a peu de place, le nombre de groupes souhaitant s’y produire est conséquent et le nombre de concerts limité. Le paradoxe est que pour être programmé il faut être connu et que pour te faire connaître tu dois jouer. C’est le problème auquel est confronté la majorité des groupes.


6/Qui écoutez vous en ce moment ?

jo : Camille, graoundation, anis, les wrigggles…et j’adore découvrir des petits groupes comme nous sur myspace.

Laurent : « La tour invisible » de Vincent Artaud, « I can see your house from here » du quartet Scofield, Metheny, Swallow ,Stewart et « Jazz espagnole » de Sabu’s.
Récemment , à mes cours de solfège, j’ai fait travailler mes élèves sur Bobby Lapointe et Pucho, un groupe de rap sud américain. J’écoute de plus en plus la musique sur DVD, je trouve enrichissant de voir la musique en même temps qu’on l’entend : dernièrement, un concert de Rage Against the Machine et un autre de Miles Davis.
En écho à la question 4, je viens de finir de lire « Le Monde selon Garp » de John Irving et là je me fait une cure de BD qui à mon avis est une des formes d’art des plus merveilleuses, la seule qui suit réellement l’être humain jusqu’au chiottes. Je viens aussi de lire Sevrance, recueil de poésie autobiographique sur les émotions d’un homme qui arrête de boire. Il a été écrit par un très bon copain, Rémi Arnaud. C’est encore plus dur de s’exprimer pour ce qui font de la littérature que pour les musiciens. Ils font comme nous, des souscriptions, parce qu’aucun éditeur ne veut prendre le risque de les éditer.
Je vais régulièrement à la médiathèque et souvent je prends des documents au hasard, juste pour voir ce que c’est.



7/ Quel est votre statut et comment voyez vous le statut des intermittents évoluer dans le temps ?

jo : Nous ne sommes pas intermittents, mais quand je vois que rien qu’en rhone alpes, 240 representations annulées, et 11000 jours de travail en moins pour les gens du spectacle, rien qu’en 2008, ça me fous la mort !

laurent : Le statut des intermittents est avant tout un problème politique, c’est une des idées phares de la gauche en matière de culture, et évidemment la droite essaie de détruire ce que la gauche a entrepris, de même que dès que la gauche arrive au pouvoir elle essaie d’annuler les chantiers mis en place par les prédécesseurs. C’est donc plus un problème d’idéologie partisane qu’un véritable problème économique, contrairement à ce qui nous est présenté. La réalité sur le terrain est bien différente. Je suis originaire de la Région PACA où une partie de l’économie est basée sur le spectacle. J’étais à Avignon l’année où le festival a été annulé et je peux dire que Mme Marie José Roig, alors maire UMP, s’est battue contre son parti pour le maintien du statut, car elle sait l’importance du travail des artistes sur l’économie de sa ville donc sur le montant des impôts locaux donc sur sa cote de popularité. Les prochaines élections municipales et la politique de décentralisation vont peut être changer la donne, mais il m’est vraiment impossible de savoir dans quel sens va tourner le vent pour les intermittents.
A titre plus personnel, je pense qu’une société doit aider les artistes et que ce statut est une bonne solution, du moins c’est mieux que rien du tout. Le supprimer ne résoudrait pas le problème. Que deviendraient les intermittents ? des RMIstes ? ça aussi ça à un coût, ou ils se présenteront comme main d’œuvre dans d’autres secteur d’activité alors que dans la plupart la demande est déjà nettement supérieure à l’offre ? Rappelons également que pour compenser les pertes des primes ASSEDIC, les artistes qui continuerons à exercer leur activité seront obligés d’augmenter leurs tarifs, or beaucoup d’employeurs sont des collectivités locales ou des associations loi 1901 qui seront soit obligés de supprimer leurs manifestations ( fête de village, petits festivals…) qui pourtant ont du sens au niveau de la cohésion sociale, soit d’augmenter les impôts locaux et cotisations pour les maintenir. Ce que les contribuables gagneront au niveau des cotisations chômage qui financent le statut, ils le perdrons de toute façon s’ils veulent continuer à préserver les manifestations culturelles locales.
Ceci dit, il faudrait résoudre deux points problématiques liés à ce statut. D’une part il me semble surprenant que le statut de professionnels soit géré par les Assedics, affiliant ainsi des personnes qui travaillent à des demandeurs d’emploi. Il faudrait créer une caisse spéciale adaptée aux besoins. D’autre part, le statut oblige les intermittents à ne travailler que pour le spectacle vivant, ce qui crée un effet pervers, ceux qui font de la musique ne peuvent plus l’enseigner. De plus, beaucoup d’enseignants de la musique sortent directement de leurs études musicales et grâce à leur diplôme peuvent enseigner sans jamais avoir justifié d’une véritable expérience scénique. Personnellement j’estime qu’un musicien doit avoir plusieurs cordes à sa guitare, j’enseigne la musique dans des écoles de musique et comme prof à domicile, je joue dans des concerts, j’écris des arrangements, j’interviens en tant que conseillé artistes pour des sociétés d’événementiel, je fais du studio…Du coup mon statut reste très vague, mes employeurs étant multiples, je suis salarié par des associations ou des entreprises(CDI, CDD, Chèques emploi service…) mais je bénéficie de congés spectacles et je passe la visite médicale comme intermittent. Bonjour la gestion, j’ai de trois à dix feuilles de salaires différentes par mois…s’il pouvait y avoir une caisse qui centralise tout ça, et qui reconnaît aux artistes la nécessité de se diversifier au maximum dans leur activités pour que chaque domaine ( enseignement, scène…) s’enrichisse mutuellement !
Enfin il existe une solution pour faire des économies et préserver ce statut. La majorité des employeurs qui l’utilisent sont des grandes sociétés de l’audiovisuel. Dernièrement un de mes amis journaliste qui travaille pour une grande chaîne du service public me disait qu’il est intermittent. Il faudrait interdire l’utilisation de ce statut aux grands groupes de l’audiovisuels et aux scènes nationales qui peuvent se permettre d’embaucher sous CDD ou CDI, et les réserver aux acteurs locaux du spectacle vivant et petites productions émergentes.



8/ Votre position face au net et le p2p ? en tant que «petit» groupe vous voyez ça comme un moyen de diffuser votre musique à un plus large public ou bien comme une nuisance ?

jo : Un super vivier de talent, et une accessibilité pour tous.
Je trouve que ça pousse les artistes à se faire connaître, et après, a faire leurs preuves sur scène.

Laurent : J’en pense franchement pas grand chose. La réalité est que le net est de plus en plus supervisé par les grandes sociétés de production qui récupèrent les circuits de distribution, réussissent de plus en plus à faire leur lois et y imposer leurs artistes et leur vision de la musique. Je ne pense pas qu’Internet change quoi que se soit à la création. Si vous voulez vraiment aider les artistes, comprendre ce qu’ils valent ou découvrir de nouveaux talents, levez le cul de votre fauteuil, éteignez votre écran et allez dans la salle de spectacle la plus proche voir les musiciens sur scène. En plus c’est un super plan pour y rencontrer l’homme ou la femme de votre vie, ce qui est quand même plus romantique que Meetic.


9/ Pour finir, une pensée ? Un coup d’gueule ? Quelque chose à ajouter ?

Laurent : Ouais, on assiste de plus en plus à la disparition des cafés concerts. Les riverains supportent de moins en moins le bruit. Notre société devient silencieuse. Dernier problème en date : l’interdiction de fumer dans les bars, ce qui pourtant est une bonne initiative pour les non-fumeurs, pousse les fumeurs dans la rue, ce qui engendre des nuisances sonores. Ca paraît rien mais quand on a 40 ou 50 personnes qui discutent, ça résonne pas mal dans les étages. D’un autre coté peut on interdire de parler dans la rue ? Notre société doit se poser la question de la place qu’elle accorde au bruit des autres. Il faut respecter la tranquillité de chacun mais permettre à tous d’exercer une activité sociale. On va quand même pas tous s’enfermer cher nous à regarder la télé. C’est malheureusement le visage que prend l’urbanité, avec tout ce que cela engendre : sentiment d’insécurité, déconstruction du lien social…C’est à chaque citoyen d’y réfléchir et d’interpeller nos élus. Par exemple pourquoi ne pas créer des salles de spectacles entourées de jardins publics qui en journée serviraient aux enfants et la nuit comme « zone tampon »…

jo ; Votons pour la sauvegarde des marmottes en Asie mineure. Plus sérieusement, les cafés concert, mais laurent a bien resumé, soutenez le collectif des musiciens lyonnais (en amis sur notre pas myspace).

le myspace


Merci de nous avoir accordé un peu de temps pour répondre à ces quelques questions.
Cordialement Mamzelle Bulle et Ricky Banlieue
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